L'éligibilité, une voie pas si évidente

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L'idée que le personnel politique soit désigné par un vote populaire est une construction relativement récente dans l'histoire politique occidentale et plus particulièrement française. Avant l'établissement du suffrage universel, diverses formes de sélection et de désignation étaient en vigueur : par la naissance, la richesse ou le statut social.

À Athènes même, réputée comme le berceau de la démocratie, le tirage au sort était plus fréquent que l'élection.

La Révolution française, en 1792, a instauré le droit de vote pour tous les hommes (non les femmes), mais cette mesure a rapidement été restreinte. Les régimes successifs ont privilégié le suffrage censitaire, où le droit de voter était lié au paiement d'un impôt suffisamment élevé, signe de richesse – la richesse étant elle-même perçue comme le signe qu'on se distingue par un savoir-faire ou un talent supérieurs. Le cens a ainsi varié selon les lois électorales, mais il a systématiquement exclu les classes populaires.

La Révolution de 1848 a marqué une avancée significative avec l'instauration du suffrage universel masculin. La Constitution de 1848 prévoyait en effet :

  • Article 24 - Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret.
  • Article 25 - Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans et jouissant de leurs droits civils et politiques.

Le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 a rétabli un système censitaire plus restrictif.

La Troisième République, instaurée en 1871, juste après la défaite de la France face à la Prusse, a mis en place définitivement le suffrage universel masculin.

L'un des derniers jalons dans l'évolution du suffrage a été l'extension du droit de vote aux femmes. Après la Seconde Guerre mondiale, la contribution des femmes à la Résistance et à l'effort de guerre leur a permis de conquérir le droit de vote et d'éligibilité par une loi du 21 avril 1944, qui a pris effet en 1945. Cette loi marque l'aboutissement d'un long combat pour l'égalité politique des femmes et des hommes.

Parallèlement, l'éligibilité, c'est-à-dire le droit de se présenter aux élections, était également encadrée. Initialement, l'éligibilité était souvent liée au cens, réservant les fonctions publiques aux plus fortunés. Avec l'extension du suffrage universel, l'éligibilité s'est progressivement ouverte, bien que des conditions aient persisté, telles que des critères d'âge et de résidence. Pourtant, l'hypothèse d'une compétence politique restait souvent avancée pour légitimer l'éligibilité, certains arguant qu'il faudrait une réduction de l'éligibilité à travers l'assurance d'une connaissance précise des enjeux politiques – renouvelant ainsi l'appel de Platon à ce que la Cité soit dirigée par ceux qui savent.

Est-ce à dire qu'à un cens touchant les électeurs se substitue une sélection des futurs élus ? par les grandes écoles ? les sondages ? les médias ? À ce jour, en France, il n'en est pas question.

Pour aller plus loin

Michel Offerlé, Un Homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, Gallimard, « Découvertes », 1993

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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